Mot du Directeur

Mot du Directeur

Chères étudiantes, chers étudiants, À l'aube de cette nouvelle ère académique, dans un climat de renouveau et de renaissance, je vous adresse mes salutations au sein de l'institution académique émérite qu'est l'École Nationale de Commerce et de Gestion ENCG-Marrakech. En ce lieu prestigieux où co...

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Intervention du parrain de la 15ème promotion : Monsieur Mohamed Berrada

Ajouté le : 26-July-2023

Parrainage de la 15ème promotion de l’ENCG de Marrakech
Samedi 22 juillet 2023
Intervention du parrain de la promotion,
Mohamed Berrada

 

Monsieur le président de l’université,
Madame la directrice de l’ENCG,
Mes chères lauréates, mes chers lauréats,
Chers amis,

Je suis particulièrement sensible à l’honneur qui m’a été fait par la directrice générale de l’ENCG madame Fatima Arib et les 234 lauréats de la 15ème promotion de l’ENCG de l’université Cadi Ayyad, de m’avoir choisi comme parrain de leur promotion.
De tout mon coeur, je vous remercie tous pour cette marque d’estime et de confiance. Chers filleuls, je voudrais maintenant m’adresser particulièrement à vous. Il y a, dans la vie de chacun de nous, des jours qui revêtent une coloration si particulière, qu’ils
restent à jamais gravés dans nos mémoires. Ce samedi 22 juillet 2023 sera vraisemblablement de ceux-là, pour vous chers filleuls, et ce, pour une triple raison.
D’abord, parce vous allez recevoir un diplôme qui sanctionne cinq années d’études de management, et qui a nécessité de votre part un travail assidu, un sens de discipline rigoureux, et beaucoup de sacrifices.
Ensuite parce qu’il s’agit d’un diplôme délivré par une école classée par les meilleures écoles de commerce marocaines, qui contribue largement au prestige et au bon classement de l’université cadi Ayyad dans le concert des universités marocaines.
Enfin, parce que cette journée marque le début de votre entrée dans la vie professionnelle, où vous serez désormais autrement considérés par votre entourage.
Aussi, je vous félicite pour votre succès de plusieurs années de labeur, de persévérance avec le soutien inconditionnel de vos professeurs, mais aussi de vos parents à qui vous devez beaucoup, sinon tout, et que je tiens à féliciter ici.
Si ce moment de joie est intense, il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit que d’une étape dans la vie.
Le diplôme est certes important, mais il n'est pas tout. Paul Valery disait : " le diplôme est l'ennemi mortel de la culture". Il ne s’agit que d’un outil mais le plus important est ce que l’on vient à produire avec l’outil.
Vous avez acquis certainement beaucoup de connaissances durant les cinq années de votre scolarité, avec quelques applications pratiques. Votre diplôme est un trésor. Mais vous devez maintenant chercher la clé du coffre où se trouve ce trésor. Sinon, il ne sert à
rien. Cette clé c'est la pratique que vous devez acquérir dans des situations concrètes souvent différentes. Car en définitive, vous allez quitter la vie de l’école, pour aller affronter l’école de la vie. Une vie fortement semée d’embûches, de défis, de menaces, d’un monde débridé, dominé par l’incertitude et les conflits, mais aussi riche de défis et d’opportunités !

Chers filleuls,
Je me suis demandé, en préparant cette intervention, quels messages, conseils ou expérience j’avais envie de vous transmettre à la lumière de mon propre parcours professionnel et personnel. Évidemment, c’est sur cette école de la vie qui vous attend que je vais orienter mes réflexions. Je vous avoue que je me suis adressé au départ au logiciel chatgbt pour qu’il me donne une rédaction complète de mon intervention et me proposer des conseils. C’était ma manière de vous montrer que je reste dans la course de l’intelligence artificielle.
Mais j’ai obtenu des réponses aberrantes. Le logiciel m’a conseillé par exemple de repasser le bac. Comme je ne suis pas sûr de le réussir, j’ai vite refermé l’application. Alors, après mure réflexion, sachant qu’on ne donne des conseils qu’aux sages, voici les messages personnels que je souhaite vous transmettre aujourd’hui. Ils sont six.


Mon premier message :
C’est celui des conditions de la réussite.
Dans votre vie de tous les jours, vous devez cultiver certaines valeurs qui constituent des vertus cardinales qui fondent et valorisent notre société. Il vous faut ainsi faire preuve de : discipline, de ponctualité, de rigueur, d’intégrité, Mais aussi et surtout d’humilité.
Humilité, oui, car, les hommes et les femmes de valeur sont ceux qui cultivent la modestie : l’humilité est, en effet, la preuve d’une grande force de caractère.
Ce n'est pas le diplôme qui vous enrichit ou qui vous donnera libre accès à tout. Mais votre caractère, votre comportement, votre culture générale, votre capacité d’écoute, celle d'intégrer une équipe et de se conformer à ses règles. Car l'entreprise est avant tout un corps humain avec ses traditions et ses règles, susceptible de provoquer une réaction de rejet à l'égard de tout élément étranger qui risque de perturber son fonctionnement. Alors jouez le jeu calmement et essayez d'abord d'intégrer le corps humain avec modestie, avant de procéder ensuite aux changements nécessaires de l'intérieur. Sinon vous serez rejeté.
Vous devez aussi apprendre à envisager les choses et les phénomènes dans leur globalité, dans leur complexité comme dirait mon ami Edgar Morin. Complexe ne veut pas dire compliqué !
Complexe dans le sens où tout est re-lié !
Toute chose est aidée, aidante et causée causante, disait Pascal. Évitez les analyses partielles ou sectorielles. Vous serez déçus des résultats. Intégrez-les dans une vision globale et systémique pour dégager les liens et mieux comprendre les mécanismes de fonctionnement. Think global, act local !
Apprenez à re-lier les phénomènes !
La richesse des universités américaines réside d’ailleurs dans les liens tissés entre départements, entre disciplines ! C’est vrai que depuis Descartes la spécialisation a enrichi les sciences mais…tout en les appauvrissant, en réduisant l’interconnexion entre elles ! Vous le savez, la connaissance ne s’enrichit que si elle est partagée !
Le problème est que dans notre système éducatif, on apprend aux élèves à fragmenter les connaissances au lieu de leur apprendre à les relier ! Dans un système complexe, ce ne sont pas les parties auxquelles il faut accorder le plus d’importance, mais la manière avec laquelle elles sont reliées entre elles !
Une entreprise est un corps complexe où plusieurs facteurs interagissent entre eux. Certains d'entre vous seront de bons directeurs financiers. Ils ne peuvent pas gérer leur département sans bâtir des relations de confiance avec les autres départements, sans tenir compte des problèmes de production, de commercialisation, de productivité, de la qualité des ressources humaines ou du
climat des affaires…
Construire des relations personnelles et individuelles avec les autres est une condition de réussite !
Lorsque je dis qu’il faut intégrer dans son quotidien la dimension individuelle, c’est aller vers l’autre, apprendre à le connaitre, à chercher à le découvrir, aller à son contact.
Vous allez me dire : pourquoi je vais le faire alors qu’on est dans un monde hyper connecté, où tout peut se faire à coup de mails, de SMS ! Non, c’est trop facile !
Sachez que pour tirer son épingle de jeu : une règle de vie est primordiale : le contact direct. Le matin, quand j’arrive à mon entreprise, je pourrais aller m’installer confortablement dans mon bureau, assister à quelques réunions avec mes plus proches collaborateurs, suivre mon agenda ….
La société va fonctionner sans moi ! Et bien non ! Le matin, je dis bonjour à ceux qui sont dans les bureaux proches et je m’attache régulièrement à passer voir les équipes dans leur bureau, sur leur lieu de travail, dans les ateliers, pour discuter. C’est une mine d’or ! je vérifie le climat. Le moral est bon ? Pas de souci personnel qui explique une baisse de rythme au boulot ? Les dernières actualités sont-elles connues et partagées par tous ?
Autant de thermomètres que vous seul vous pourrez obtenir en allant au contact de vos collègues. C’est important de connaitre la température du corps humain de l’entreprise, autant qu’on essaie de connaitre la température de l’économie nationale en mesurant l’inflation. Vous en tirerez beaucoup d’enseignement ; lorsque vous les consultez, les gens vous transmettront avec passion leurs joies, leurs connaissances, leurs préoccupations.


Mon deuxième message :
Muni de votre laissez-passer, de votre diplôme, certains d'entre vous vont intégrer l'entreprise, l'administration centrale ou territoriale, en tant que cadre, dirigeant d'entreprise ou un simple employé avec une rémunération assurée. D'autres vont vouloir poursuivre leurs études dans le cadre du cycle doctoral. Ils vont ainsi contribuer à promouvoir la recherche qui est le ferment de la valeur ajoutée d'une université. Je les y encourage. C'est un passage obligé pour une carrière dans l'enseignement supérieur. Et je peux vous dire, voici 55 ans que j'enseigne â la faculté de droit et d'économie de l'université Hassan II, c'est le plus beau des métiers.
Notre pays a besoin de professeurs, à un moment où beaucoup de professeurs partent à la retraite. Et je le constate, le nombre de doctorants est insuffisant pour les recrutements futurs.
D'autres enfin parmi vous chercheront à créer leur propre entreprise. L'entreprise est la cellule principale de création de richesse. Ils seront ainsi les entrepreneurs de demain et participeront directement au développement de notre pays.
Devenir son propre patron, c'est un rêve légitime, qui procure des plaisirs incomparables comme le désir d'indépendance, la capacité d'affronter les défis, la concurrence, d'oser...et de réussir.
Mais entreprendre comprend aussi des risques. 50% des créations d'entreprise disparaissent au bout des trois premières années. Mais après, une entreprise sur deux survit…ce qui signifie que s'il y a des risques, il y a aussi des possibilités de les surmonter.
C'est pourquoi, pour réussir il faut d'abord se connaître. Connaître sa personnalité. Ses objectifs, ses motivations, ses capacités de résistance et de patience, ses forces, ses faiblesses. Rappelezvous du conseil de Mao-Tse-Toung : " dans les batailles, et la vie est une suite de batailles, connais l'adversaire, mais surtout connais-toi toi-même, et tu seras invincible."
Quel que soit le chemin que vous prendrez, cadre, chef d'entreprise, directeur d'administration, il y a des qualités essentielles exigées dans le monde du travail :
- l'adaptabilité, la flexibilité,
- la capacité de travailler en équipe
- la créativité, base de la croissance de la firme.
Les 3 qualités sont liées ! Si la compétence est individuelle, la créativité ne peut être que collective. Einstein disait : " l'imagination est plus importante que la connaissance ". Elle ne découle pas de votre diplôme.
Comment faire émerger au sein d'un groupe de travail des idées nouvelles susceptibles de relancer la croissance de l'entreprise ?
Comment mettre en oeuvre un processus d'intelligence collective à travers un système de communication fluide qui implique tous les échelons de l'entreprise ?
Deux conditions. Il faudrait d’abord aimer ce que vous faites…et faire aimer ce que font vos collaborateurs. Car dans une certaine mesure, on réussit mieux ce qu’on aime faire. Le travail devient alors un art. Un philosophe disait : " le monde ne sera heureux que quand tous les hommes auront des âmes d'artistes, c'est à dire tous prendront plaisir à leur tâche." Ensuite, il faut savoir impliquer vos collaborateurs à ce qu'ils font. Un exemple. Vous avez entendu parler des cercles de qualité. Ils ont été conçus au départ par Toyota. Je les ai expérimentés à l’OCP. Je les ai expérimentés aussi au niveau de la RAM pour le personnel commercial naviguant
au contact avec les passagers pour améliorer la satisfaction clientèle.
Le principe réside dans le fait que les équipes de terrain se retrouvent réunis ensemble en fin de chaque journée pour faire le bilan de leur activité journalière. Voir ce qui a marché, ce qui n’a pas marché, chercher pourquoi et proposer des solutions au staff ! Ces cercles ont donné de très bons résultats en termes de productivité et d'amélioration de la qualité, car ce sont souvent les gens du
terrain qui connaissent les problèmes et…qui connaissent aussi les solutions pour les résoudre !
Apprenez alors à impliquer !
« Tu me dis, j'oublie
« Tu m'enseignes, je me souviens
« Tu m'impliques, j'apprends et je produis. »
La méthode de transmission de la connaissance est donc aussi importante que la connaissance elle-même ! le processus de l’intelligence commence quand on a compris qu’on n’a pas compris.

Mon troisième message :
Comment faire de vous des leaders ?
Je voudrais ici m’adresser en particulier aux lauréates, et leur exprimer ma fierté de constater qu’elles représentent 74% de cette promotion, dont 66% ont la mention bien et très bien.
Franchement bravo !
C’est un témoignage du rôle que jouera la femme marocaine dans le processus de transformation de notre société, face à certaines dérives sociétales liées à l’ignorance des lois et dans une certaine mesure à ce que j’appellerai la dictature de la société.
Vous le savez, le taux d’activité féminine dans notre pays se situe à moins de 20%. Un des taux les plus bas du monde !
On parle d’inégalités sociales. Ces inégalités, on les retrouve aussi entre les hommes et les femmes ! À l’école, dans la rue, au sein des familles, dans les entreprises et dans le monde professionnel, malgré un arsenal législatif et réglementaire respectable.
C’est vrai que les femmes marocaines se heurtent souvent à de nombreux obstacles qui leur portent encore trop souvent préjudice au cours de leur carrière professionnelle et qui constituent des freins au développement de notre pays.
On parle de Sexisme ordinaire, de « plafond de verre » c’est-à-dire des barrières excluant les femmes des niveaux hiérarchiques les plus élevées dans les organisations, de plafond de mère consécutif au risque de maternité.
Le problème n’est pas uniquement de chercher à améliorer le taux d’activité des femmes, mais de savoir quelle serait la possibilité pour la femme marocaine d’accéder à des fonctions significatives dans la vie professionnelle, à des postes de prise de décision, c’est-à-dire de devenir leader.
Pour moi, le sujet est essentiel !
Vous le savez, ce qui constitue la dynamique d’un groupe, ce sont ces liens qui assurent sa cohérence et pour laquelle il faut trouver un chef. La cohérence d’un groupe de musiciens par exemple dépend de son chef d’orchestre qui connait la musique, les musicien, les instruments et qui sait les accorder, les relier.
C’est un leader !
L'art du leadership est d'amener une personne à vous suivre à un endroit où vous n'iriez pas uniquement par vous-même. Ainsi, le rôle du leader est d'amener ses collaborateurs à faire des choses qu'ils pensent eux-mêmes impossibles à réaliser. Le leader définit un objectif, une ambition, un rêve, et entreprend une stratégie de communication pour convaincre le groupe en vue d’atteindre cet objectif. Des objectifs toujours plus élevés, me disait jacques welche, ancien président de Général Electric.
Un leader est appelé à avoir des qualités particulières.
Et je vais vous surprendre, personnellement je considère qu’au vu de l’évolution du monde actuel, les futurs leaders (hommes ou femmes) devront avoir des qualités féminines pour pouvoir résoudre les problèmes les plus difficiles, et faire face aux menaces et défis du monde incertain d’aujourd’hui.
On ne peut pas concevoir un leader sans d’abord une culture générale qui lui permet d’avoir une vision complexe, « qui lui permet d’agir en homme de pensée, et penser en homme d'action » pour reprendre la fameuse formule d’Henri Bergson.
Mais surtout qui sait mettre en place une sorte d’intelligence collective, nourrie par l’âme de la nouvelle culture de management : « Épanouissement – créativité – empathie », c’est-à-dire des qualités féminines.
Dans l’économie d’aujourd’hui et celle du futur, la connectivité, l’humilité, la vulnérabilité, latransparence, la fiabilité, la patience, l’empathie, la vue à long terme et la flexibilité sont desqualités significatives d’un grand leadership. Ces qualités sont considérées comme étant des valeurs féminines susceptibles d’apporter aussi les valeurs humaines au travail et réduire les pressions matérialistes du modèle néolibéral !
Vous voulez savoir comment pensent et agissent les femmes leaders que je connais ?
1. D’abord, elles n’hésitent pas à enfreindre les règles !
2. Elles sont à la fois compatissantes et battantes.
3. Elles ont l’esprit d’équipe.
4. Elles ont confiance en elles.
5. Elles sont persuasives.
6. Elles sont profondément humaines. Ce sont elles qui jouent un rôle majeur dans la société civile et qui agissent activement dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la protection de l’environnement.
Certains me diront que tout cela…c’est de l’utopie. Je réponds que c’est une réalité : lesentreprises qui ont intégré les traits du leadership féminin réussissent grâce à l’harmonisation des valeurs féminines et des énergies, dans un contexte de culture d’entreprise favorable. J’ai vécu cela tout au long de ma vie professionnelle.
SI vous voulez un modèle de leadership féminin d’ailleurs, le voici, présent avec vous, Mme Fatima Arib, qui dispose de valeurs morales et professionnelles incontestables, qui sait travailler en équipe pour élaborer une stratégie offensive pour l’avenir de son institution et qui a mis en place avec empathie un système d’animation et d’intelligence collective permettant à l’ENCG d’être
placée parmi les meilleurs écoles de commerces dans notre pays !
Et parmi les lauréates présentes aujourd’hui dans cette salle, ne soyez donc pas surpris de voir émerger plus tard de grandes leaders dans différents domaines d’activité !


Mon quatrième message :
Vous allez rencontrer tout au long de votre chemin une multitude d'obstacles. Sachez que ces obstacles sont aussi des occasions pour rebondir. L'histoire a montré que les progrès techniques réalisés l'ont été à la suite d'obstacles rencontrés. Il en est de même des crises. Je vous livre un secret : j’adore les crises, car elles sont génératrices de progrès ! N’oubliez pas que l’histoire est une histoire de cycles, que chaque crise comprend des phases et qu’après la crise, il y a toujours la reprise.
La crise donne manifestement l’occasion d'assainir la situation d’une économie ou d’une entreprise et de rebondir en meilleure santé.
Rappelez-vous de la situation désastreuse de notre économie au cours des années 80.
Fléchissons un moment.
Aurions-nous engagé les réformes structurelles fondamentales du PAS des années 80-90, comme la réforme fiscale, la réforme du commerce extérieur, celle des marchés financiers, des entreprises publiques, ou de la privatisation si nous n’étions pas face à une crise financière et économique parmi les plus douloureuses de notre histoire où notre dette extérieure avait atteint 130% du PIB, le déficit du trésor 12%, l’inflation 15% et les taux d’intérêt 17% , avec une économie pratiquement à l’arrêt, une dette non remboursée, pouvant conduire à une crise sociale grave ?
Ces réformes structurelles ont pu assainir et rétablir les équilibres macroéconomiques du pays et créer par la suite les bases d’une croissance saine et durable. La crise a été en quelque sorte salutaire !
J'ai toujours conseillé d'investir en période de crise, c'est à dire à la phase basse du cycle économique. Â un moment où les compétiteurs cherchent à se désengager, perdent confiance dans l’avenir. C’est le moment que vous devez choisir pour moderniser votre outil de production afin d’être prêt et plus compétitif au moment de la reprise.
J’ai vécu cela à la RAM. Lorsque le secteur aérien s'était effondré, à la suite des attentats du Trade center en 2001, rappelez-vous ben Laden, nous avions procédé à l'acquisition de 32 avions Boeing neufs à un prix exceptionnel qui nous ont permis de conquérir le marché africain jusqu’alors sous le monopole d’air France et de faire de l’aéroport de Nouacer un hub international. Au lieu de transporter uniquement des marocains, la RAM est devenue une compagnie mondiale, avec des passagers en provenance ou à destination de plusieurs pays.
Nous sommes ici face à une sorte de « destruction créatrice et des grappes d’innovation » que Schumpeter mettait en avant pour expliquer le processus de croissance de la firme. Dit d’une autre manière : il n’y a pas de menace sans opportunité, ce sont les deux faces de la même pièce de monnaie !
Alors apprenez à affronter les obstacles. Mais avec discernement. N'ayez pas peur de faire des erreurs. L'échec est le fondement de la réussite. Car pour agir, il faut avoir une bonne dose de défauts. Un homme sans défauts n'est bon à rien.
Churchill disait que le succès consiste d’aller d’échecs en échecs sans perdre son enthousiasme !


Mon cinquième message :
Certains parmi vous seront de grands entrepreneurs. Ce qui implique de grandes responsabilités qu’ils devront assumer.
Une responsabilité économique d'abord : veiller aux équilibres économiques et financiers de votre entreprise. Ils déterminent sa viabilité à long terme. Sachant que l’objectif n’est pas uniquement de produire, mais de produire à un coût compétitif. Et la compétitivité dépend du niveau de productivité, qui est la résultante d’une combinaison pertinente des facteurs de production, c’està-
dire du capital matériel et du capital immatériel.
Un conseil : évitez svp le piège de ces entrepreneurs qui, par un effet de démonstration, se plaisent à investir dans des machines ultra perfectionnées et chères, sans investir dans le savoirfaire et la formation du personnel pour utiliser ces machines. Le résultat est clair, ces machines deviennent un poids pour l’entreprise ! Ces entrepreneurs ne donnent de l’importance qu’à ce qui est matériel ! Le capital matériel !
Or le capital matériel seul ne suffit pas pour produire et générer de la croissance ! C’est d’ailleurs à ce niveau que se situe notre problème. Notre pays a un taux d’investissement de 32% du PIB, un des taux les plus élevés du monde, mais malgré cela notre croissance reste faible, irrégulière, inégalement répartie, faiblement inclusive et peu créatrice d’emplois ! je dirais qu’elle est de mauvaise qualité. Pourtant, notre pays, au cours des 20 dernières années, a été un immense chantier d’investissements en infrastructures !
On a investi beaucoup en capital matériel, mais insuffisamment en capital immatériel ! Le capital immatériel, vous le savez, a trois composantes : le capital humain, le capital institutionnel et le capital social qui forge le lien social, et donc la cohésion nationale ! Il est à la base de la productivité et donc de la croissance économique. Il convient donc d’accorder dans vos stratégies d’investissement une importance particulière au capital immatériel, en particulier à la connaissance. La connaissance, vous le savez, est illimitée !
Tout investissement dans la connaissance donnerait lieu à un gisement de croissance illimitée ! L’entrepreneur a aussi une responsabilité sociale, â l'égard de son personnel. Mais surtout il a une responsabilité à l'égard de la société.
Mes chers filleuls, je souhaite vivement que vous soyez un acteur dynamique de la vie économique, sociale et politique du pays, en participant aux débats, et à l'émergence des idées.
Churchill disait : l'empereur du futur sera l'empereur des idées. Alors apprenez à écouter et à respecter les idées des autres. Car chacune de ces idées a ses forces et ses faiblesses. Et les nouvelles idées émergent inlassablement du croisement d'autres idées. Il
faut respecter la différence d’idées car c'est par la différence qu'on s'enrichit. Et le débat des idées mène à la politique. Et c’est une des clés de mon message ici ! Pourquoi ? Parce que c'est grâce à la politique que vous pouvez aider à freiner le processus de régression des valeurs morales et de la crise de civilisation qui nous envahit.
Notre jeunesse ne s'intéresse pas à la politique. Or elle est le vecteur de notre avenir. Engagez-vous dans la politique, dans des partis politiques pour défendre votre idéologie, soyez des militants, associatifs, et battez-vous pour vos idées, pour réduire les maux actuels de notre société, l'analphabétisme, la pauvreté, la corruption, les inégalités. Sachant que l'éducation restera le déterminant majeur pour réduire ces maux !
Accrochez-vous aux valeurs.
Accrochez-vous aux principes, au droit, â la loi, et n'en démordez pas. Même si autour de vous, vous voyez d'autres jeunes faire le choix de la facilité et de l'abandon des valeurs.
Distinguez-vous dans la masse et soyez libres. Libres par vos idées. Osez penser par vous-même, et agissez en fonction de cette pensée. Un créateur ne peut créer sans cette liberté intérieure qu'il doit protéger et garder jalousement. Et c'est ainsi que vous pouvez contribuer au changement dans votre pays.

Mon sixième et dernier message :
C'est un message d'amour. Au niveau de l'homme, il y a deux mondes :
- le monde intérieur, le soi, l’être
- le monde extérieur, en liaison avec la vie matérielle, qui représente le monde de l’avoir.
Il faut trouver un juste équilibre entre l’être et l’avoir ?
La civilisation industrielle et financière qui nous envahit sous la bannière du néolibéralisme, une civilisation où le matérialisme, la finance et la recherche du profit dominent les valeurs morales et spirituelles qui ont toujours marqué dans le passé notre société, détruit les valeurs de solidarité et d'amour qui sous-tendent le lien social et le vivre ensemble :
Et ainsi dans le monde d’aujourd’hui
Et dans notre pays aussi...…
La monnaie est devenue reine,
Et l'homme en est l'objet,
Et le monde en est l'arène.
Nous consommons et nous ne parlons que de consommation, perçue comme facteur de croissance et non de développement ! Nous cherchons à étancher la soif du coeur en consommant insatiablement les plaisirs, et ainsi notre avidité s'accroît, toujours plus tyrannique, et nous devenons prisonniers de cet instinct de consommer toujours plus !
Et à force de plaisirs, le bonheur s’épuise….
Détachés du cosmos, de la nature, de la société, et coupés les uns des autres, nous sommes devenus des êtres fracturés et fragmentés. Nous nous éloignons de ce qui nous entoure, nous rapportons tout et réduisons tout à l'état de chiffres et d'objets, un monde où l’échelle des revenus est devenue la seule échelle des valeurs !
Pardonnez-moi si je laisse libre cours à mes pensées dans cette enceinte universitaire.
Cela s’est transposé même sur notre système d’enseignement ! Nous formatons les jeunes. Notre mot d’ordre : l’employabilité !!! Un terme que je déteste ! Nous voulons former des jeunes en priorité pour qu’ils soient « employables ». Comme des objets. Alors tout le système s’organise en fonction de cet objectif !
On en fait des instruments, des robots. On assiste ainsi à la lente disparition de disciplines de culture générale qui ouvrent l’esprit pour la compréhension du monde, comme la philosophie, la sociologie, l’histoire, la littérature, la poésie, la musique, le chant ou le théâtre, et même le sport…pour laisser la place aux matières quantitatives…dont les seuls objectifs sont la performance économique et financière de nos entreprises…. Adieu la culture !
Or ces disciplines visent l’épanouissement de l’individu et donc agissent indirectement sur la productivité industrielle. On produit mieux quand on est épanoui ! Plus que jamais, on a besoin de renforcer le rôle de la culture dans notre système éducatif, et
d’accélérer l’introduction et la généralisation des soft skills, et du libéral arts, comme le fait votre école depuis plusieurs années !
Mais ce n’est pas tout. Nous savons que le capitalisme avec max weber – éthique protestante et esprit du capitalisme - s’est construit sur la base de l’individualisme. C’est une bonne chose dans la mesure où il stimule la compétition et la créativité. Mais lorsque l’individualisme se transforme en égoïsme et ensuite progressivement en indifférence…cela conduit peu à peu à la destruction de la
cohésion sociale ! Je ne peux m’empêcher de penser à ce que disait l’académicien jean d’Ormesson un peu avant sa
mort : « Vous les jeunes, si un jour vous vous trouvez devant un choix difficile à faire, celui de choisir entre « la misère et la souffrance » ou bien « le rien », je vous conseille de choisir la misère et la souffrance. Car dans le rien, il y a l’indifférence. Et l’indifférence c’est la chose la plus horrible. Elle détruit le lien social ! »
Et le lien social est la source principale de la cohésion nationale. Nous devons veiller à cela, car ces liens peuvent se détendre sous la progression des inégalités sociales. Une enquête récente de l’IRES l’a démontré.
Donnez donc, mes chers amis, au principe de solidarité qui forge le lien social la place qu'il mérite. La solidarité est le meilleur moyen pour lutter contre l’indifférence. Et tout au fond de la solidarité, vous allez trouver l’amour. L’amour de soi, l’amour des autres, l’amour de l’humanité, de la nature, vers ce huit horizontal, l’infini, qui conduit à l’amour de Dieu. Vous devez aider à construire un monde où l'être est roi, où l'homme est univers. L’amour est le ferment du principe de solidarité dont notre civilisation a tant besoin. Je vous invite à venir visiter notre complexe social et culturel Oum Keltoum de Sidi Moumen à Casablanca, rendre visite à mes 3000 enfants issus de familles en situation précaire. Prenez dans vos bras un bébé qui pleure, mettez le contre votre joue, il s’arrête de pleurer, il ressent la chaleur de votre affection, il est épanoui !
Gandhi disait : j'ai la ferme conviction que nous pouvons conquérir le monde entier par la religion et par l'amour. Il y a des gens qui meurent par manque de nourriture, mais beaucoup plus qui meurent par manque d'amour et d'attention. Certainement, mes chers amis, vous serez un bon entrepreneur économique. Mais soyez aussi un bon entrepreneur social, un entrepreneur solidaire ! Aider quelqu’un à traverser des difficultés, n’est il pas le point de départ de la civilisation ? Vous auriez ainsi contribué à l’édification d’un modèle d’économie sociale et solidaire dont a tant besoin notre pays et que Sa Majesté appelle de toutes ses forces. Car en définitive, qui sommes-nous, qui êtes-vous, quelle humanité voulons-nous construire? Nous vivons dans un village qui est devenu le monde d'aujourd’hui. Nous sommes donc tous des citoyens du monde ! Nous appartenons à une nation multiculturelle où nous sommes â la fois berbères, musulmans, arabes, juifs, chrétiens, marocains, africains, maghrébins, méditerranéens, et...citoyens de la terre. Les études génétiques n'ont-elles pas montré que l'origine de l'humanité il y a 90.000 ans provient d'Afrique et que de ce fait nous avons tous...la même origine ??? Lisez homo sapiens, vous comprendrez les cheminements de l’histoire de l’humanité qui retrace aussi l’histoire de la mondialisation, qui a commencé il y a bien longtemps. Comme pour les civilisations, l'identité, sujet à débat dans plusieurs parties du monde d'aujourd'hui, se construit par la confrontation de la similitude et de la différence. Nos identités
évoluent donc avec le temps, avec l'histoire, au gré des mouvements migratoires ...mais aussi de l'évolution des idées de notre jeunesse, c'est à dire vous-mêmes, qui êtes le plus ouverts sur le monde !
Alors ce qui va vous sembler de prime abord déchirer et partager, vous devez en fait le combiner dans une unité complexe. Et c'est cela l'identité. Elle comporte la pluralité dans l'unité.
Aidez donc à rétablir les ressorts du lien social, en cultivant cette pluralité dans l'unité, en cultivant les principes de tolérance, de respect, d'entente, de dialogue entre les cultures, les civilisations et les religions.
Rappelez-vous : toute culture nait du mélange, de la rencontre et des chocs. Et c'est de l'isolement qu'on meurt et que meurent les civilisations. Voilà mes chers lauréats les messages que je voulais vous transmettre aujourd'hui.
Loin de moi la volonté de vous donner des leçons. Chacun de vous a ses propres convictions sur la manière de conduire sa vie. Chacun sa trajectoire, chacun ses envies. Mais c’est en étant agile, en faisant preuve de son intelligence, de sa capacité à bien évaluer la situation, que, le moment venu, vous déterminerez votre chemin, que vous trouverez votre voie, et saurez saisir votre chance.
Alors, lancez-vous, Allez au contact, Osez, Prenez du plaisir, Écoutez votre environnement, Vous serez surpris : vous vous surprendrez vous-mêmes ! Et n’oubliez pas, vous êtes sous les projecteurs !
Mais sachez que quel que soit le chemin que vous aurez choisi, votre parrain restera toujours à votre écoute et sera toujours fier de vous.

Je vous remercie
Mohamed Berrada
Professeur à l'université Hassan II