CONFERENCE INAUGURALE DE RENTREE 2014-15

Ajouté le : 23-October-2014

Dans le but de créer des espaces d'échanges avec ses partenaires académiques et socio-économiques et de contribuer à la promotion du débat autour des grands sujets d'actualités qui occupent l'opinion public, l'Université Cadi Ayyad a programmé un cycle de conférences de haut niveau pour l'année universitaire 2014-2015. Ces conférences donneront l'occasion aux chercheurs, aux décideurs économiques et politiques et aux étudiants de réfléchir autour de divers thèmes d'actualité.

Pour sa Conférence inaugurale de rentrée, l'Université Cadi Ayyad a l'honneur de recevoir Monsieur Edgar Morin, éminent sociologue et philosophe Français, qui animera une conférence sur le thème « L'Aventure de la Mondialisation ». Cette conférence se tiendra le mardi 28 octobre 2014 à 18h30 à l'Amphi X de la Faculté des Sciences Semlalia.

Les grands axes de l'Intervention :

  • L'ère planétaire commence avec la conquête des Amériques et la navigation autour du globe
  • La globalisation commence en 1990: unification technique-économique du globe
  • Le caractère du processus: mondialisation/occidentalisation/ développement
  • Les résistances ethniques, culturelles, religieuses au processus: les dislocations (de la Yougoslavie à l'Irak)
  • Le moteur science/technique/économie
  • Les ambivalences du processus
  • La grande ambivalence: la mondialisation comme la pire et la meilleur des choses
  • Les principes à appliquer : mondialiser/démondialiser, développement/enveloppement, croissance/décroissance
  • Perspectives: peut on modifier la Voie?

Note récapitulative de la conférence par le Pr. LARABI AIT ITTO

Ce jour-là l'Université Cadi Ayyad s'est illuminée de mille feux de culture et de réflexions sociologiques et philosophiques de l'un des grands penseurs de notre temps de «La complexité à repenser la réalité complexe».

La simplicité du philosophe et sa modestie rayonnaient le long de sa conférence tirant la sonnette d'alarme des dangers qui menacent le monde par la vitesse vertigineuse de la mondialisation. Un cri de pure conviction pensé, fondé, décryptant la complexité de la mondialisation dans sa tourmente envahissante, manifeste le sérieux et l'énergie des propos d'Edgar MORIN malgré son âge. Ses gestes, son regard et ses réactions témoignent de la véracité de son humanisme acquis, engagé et d'une maturité absolument solide.

L'aventure de la mondialisation, thème de cette Conférence Inaugurale de rentrée de l'Université Cadi Ayyad de cette année 2014-2015, a drainé un public très large et très assidu : Officiels, Chercheurs, Etudiants, des curieux aussi ont rempli le grand amphi X de la Faculté des Sciences Semlalia. Un grand remerciement aux organisateurs et surtout à Monsieur le Président de l'Université Cadi Ayyad et au Doyen de la Faculté des Sciences Semlalia.

L'intervention du sociologue a été un concentré de thèses de réflexions difficiles à résumer vu la complexité du sujet et l'étendue de la pensée du conférencier. N'est-il pas l'auteur de LA METHODE (6 volumes) une œuvre majeure pour affronter la difficulté de penser la complexité du réel?. Néanmoins, une fenêtre d'aération et de perspectives nous a permis de tenir le fil d'Ariane méthodique que l'auteur nous a tendu dès le début de sa prise de parole. De prime à bord, le philosophe annonce que la mondialisation n'est pas un phénomène nouveau.

Historiquement, la première mondialisation, soutient le philosophe, remontait à la préhistoire. En effet, l'apparition de l'Homo Sapiens, sorti , probablement de l'Afrique était fondamentale quant à la colonisation de l'Océanie qui, par la suite, s'est étendue à toute la terre à la recherche du gibier et des fruits ce qui a entrainé une adaptation à la nature et à la formation d'une vie communautaire primitive s'effectuant dans l'absence totale de toute forme de société ou d'état ce qui n'a pas empêché une diversité humaine et culturelle importante. Les jalons de l'interpénétration des rapports de toutes sortes entre les mouvements des groupements humains s'esquissaient déjà.

A cette étape inaugurale succéda l'ère de l'homme historique caractérisée par l'apparition des formes d'arts de philosophies de l'esclavage aussi, ce qui par la suite ouvrait la voie à une autre forme de mondialisation : l'ère planétaire sortie des grandes découvertes et conquêtes des continents. En conséquence, les transferts des cultures et des manières de faire traversent les frontières : culture de blé, de maïs; de tabac... Les microbes et les maladies circulaient aussi, disait le sociologue en soutenant que chaque individu vivait la mondialisation sans qu'il le sut.

Ce monde en chaque individu éclate en déferlante globalisation qui prend des dimensions démesurées avec le capitalisme sauvage, le développement des moyens de communication et le progrès scientifique. La conjugaison de tous ces facteurs a entrainé un bouclage technique et économique plongeant le monde dans un état de chaos sans précédent. Les états nations ne peuvent pas empêcher la circulation des biens et personnes. Les frontières sont disloquées ce qui entraine une certaine méfiance vis-à-vis de l'extérieur et donc des résistances qui se traduisent par des replis sur soi mettant en avance l'éthique, le religieux, le culturel… La société monde est empêchée d'exister car la conscience humaine et le destin commun à tout le monde n'existent pas. La science, la technique et l'économie les entravent.

Autres conséquences de cette dislocation généralisée, la disparition des structures de certaines formes d'états partout dans le monde par exemple : l'URSS. L'échec est total d'une forme de vie meilleure incarnée par l'idéologie politique et économique, elle ne porte pas le bonheur.

Résultat : Echec des démocraties et surtout celles importées. L'économie et la science se refugient dans la technique. Le fossé se creuse encore davantage entre riches et pauvres ce qui se traduit par une croissance économique et un développement humain en perpétuelle croissance face à une misère et une dépendance révoltantes. Une forme d'ambivalences avérées se met en place entre le positif et le négatif en tout ça.

La désintégration des solidarités, le développement de la corruption, l'informel et l'inconfort portent atteinte à la nature humaine et c'est ce paradigme qui est perdu. Cette crise devenue profonde est inhérente à cette mondialisation qui ressemble à un bateau ivre : on ignore la plasticité de la connaissance, lance le philosophe.

Edgar MORIN observe que la mondialisation souffre, donc, d'une crise de l'occidentalisation des sociétés traditionnelles et de la civilisation occidentale malade du vide moral de cette même civilisation occidentale. Ce qui est dommage c'est qu'on ne peut pas arrêter ce processus de mondialisation incontrôlée propulsée par la science, la technique et l'économie. Ainsi l'homme est domestiqué pour être au service de la machine et du profit dont jouissent les autres.

Le sociologue voit qu'une série de menaces planent sur le futur de l'humanité nourrie par cette contradiction intrinsèque à la mondialisation, au chaos qu'elle a provoqué entre un monde nouveau qui n'arrive pas à naitre et un monde ancien qui résiste à mourir. Edgar MORIN relève que la globalisation est le pire des choses mais aussi la meilleure des choses mais il soutient que c'est dans le risque et le danger que les choses peuvent être décidées.

Nous sommes dans un monde en péril de désertification de la pensée et qu'on doit faire face à ce péril, mais comment? se demande Edgar MORIN.

Une troisième voie propose le conférencier qui exige que nous devions être décidés à repenser la mondialisation dans ses dimensions humaines et humanitaires en réhabilitant la solidarité à des échelles inférieures : économies propres (culture bio, énergie propre…). En gros, réaliser un équilibre humain à l'échelle planétaire qui doit être une source d'inspiration en vue de reconnaitre les valeurs de chaque individu chez lui porteur d'une unité et en même temps d'une diversité humaine. Un être humain semblable aux autres et différend d'eux, sachant bien que cela suppose la capacité et l'envie de participer à une métamorphose telle la chenille. C'est cette capacité à se métamorphoser perpétuellement, donc à s'adapter, qui pourrait nous éviter le glissement inéluctable vers des catastrophes en chaine. La voie du salut réside dans notre capacité à participer à détourner la voie du chaos en forçant le meilleur et empêchant le pire, conclut l'auteur.

La fin de cette conférence était solennelle. Le plaisir était total et l'envie de l'interaction était manifeste : beaucoup de doigts se sont levés sollicitant la parole. On ne manque pas, au passage, de remarquer que le thème -L'aventure de la mondialisation- a suscité l'intérêt d'un grand monde : l'amphi était archi-comble.

L'Université Cadi Ayyad a honoré la personne de cet éminent savant par un présent, signe d'amitié et de reconnaissance, des mains du Président. Nous félicitons, à cette occasion, Messieurs : le Président de cette Université de renommée mondiale, le Doyen de la faculté des Sciences Semlalia et tous ceux qui ont œuvré à la réalisation de cette activité culturelle de haut niveau.

Je ne prétends pas à l'exhaustivité. Rapporter les propos et les thèses d'Edgar MORIN n'est pas chose facile et sans danger. Cependant, l'esprit du suivi et de mémoire exige cette note récapitulative dans la perspective d'interactivité et d'archivage.