Marrakech ... Ville des Saints *

La Ville de Marrakech était renommée pour le grand nombre de ouali qui reposaient dans ses cimetières et qui justifiait la diction «Marrakech, Tombeau des saints » (مراكش تربة الأولياء).

Cheikh Abou Ali Elhassan Benmessoud EL - YOUSSI, en désignant les Sebatou Ridjal de Marrakech, se préoccupa surtout d'organiser un pèlerinage aux cimetières de cette ville. Pèlerinage dont l'itinéraire serait jalonné par les tombes de sept ouali, dont on devrait successivement rencontrer les tombes.

Les Sebatou Ridjal prirent à Marrakech une telle notoriété que cette expression devint comme un second nom de la ville. On dit par exemple: «je vais aux Sebatou Ridjal » pour indiquer que l'on se rend à Marrakech.

Les noms des « Sebatou Ridjal » nous sont fournis par Cheik EL - YOUSSI qui composé sur eux une cacida, dont la rime est en Ain et qui, pour cette raison, est appelée El - Ainia. Les sept patrons de Marrakech sont cités dans l'ordre suivant lequel doit s'effectuer la ziara (Sidi Youssef BENALI (mort en 593 ) _ El - Cadi AYYAD (mort en 544 ) _ Sidi Bel-Abbes Es-Sebti (mort en 601 ) _ Sidi Mohammed Ben Sliman ELJAZOULI (mort en 870 ) _ Sidi Abdel-Aziz ETTEBBAA (mort en 914 ) _ Sidi Abdellah El – Ghezouani (mort en 935 ) _ Sidi Abd Errahmane Es-Soheili (mort en 581 )).

El - Cadi AYAD

El - Cadi AYYD s'appelait de son nom généalogique AYYAD ben Moussa, ben Ayad, ben Amroun, ben Moussa, ben Ayad, ben Mohammed, ben Abdallah, ben Moussa, ben Ayad. On ajoute généralement à cette liste les deux ethniques El-Yahsobi et Es-Sebti. Par le premier, la famille d' el - Cadi AYYD se rattachait à une tribu himyarite du Yemen; le second ethnique lui venait d'un de ses ascendants Amroun qui était venu de Fez se fixer à Ceuta (Sebta). Enfin, pour terminer ce qui a trait à l'onomastique du personnage, nous dirons qu'il portait le konia de Abou el-Fedhol. El - Cadi AYYD naquit à ceuta le 15 Chaban 476 (28 décembre 1083). Son enfance fut consacrée aux études islamiques, dans lesquelles il s'éleva à un tel degré de science qu'à l'age de 27 ans, il fut désigné pour prendre part à une consultation théologique sur le célèbre traité d'El-Ghazali intitulé « Ihya oloum ed-din » .Rénovation des sciences religieuses. IL est à présumer que sa science n'allait pas sans une certaine étroitesse d'idées, car il signa de sa main en 503 la sentence qui ordonnait l'incinération de ce chef-d'oeuvre, «la somme du mahométisme orthodoxe ».

Ambitieux d'augmenter le champ de ses connaissances, AYYAD quitta Ceuta, le 15 Djoumada 1er 507, pour aller suivre en Andalousie les cours de maîtres réputés comme Ibn Roched (Averroes) et Ibn Siradj qui enseignaient à Cordoue. Après avoir visité Murcie et Almeria, il rentra, le 7 Djoumada II 508, dans sa ville natale, où il fut appelé à faire partie du conseil de gouvernement puis nommé cadi, le 27 Safar 515 (17 Mai 112I). Cette magistrature, qu'il exerça pendant plus de quinze ans lui conférait, en outre, une part d'autorité dans l'administration de la ville et du pays, car on lui doit la construction de la partie ouest de la mosquée de Ceuta, la fondation du célèbre ribat qui s'élève au sommet du Djebel Mina, ainsi que d'autres monuments.

La réputation d' AYYAD lui valut d'être désigné par le gouvernement almoravide pour remplir à Grenade les fonctions de cadi. Sa droiture et son intégrité lui acquirent l'estime de la population, mais les fonctionnaires almoravides, adonnés au péculat, furieux de se sentir contrôlés, jurèrent sa perte et Se calomnièrent auprès du sultan Ali ben Youssef Ben Tachefin (500-537 J.C. 1108-1142). AYYAD, qui n'ignorait pas les intrigues tramées contre lui et qui savait sa révocation décidée, prétexta une raison de santé et quitta Grenade en Ramadan 532. Il revint à Ceuta, ou il vécut en disgrâce jusqu'en 539, date ou le successeur d'Ali ben Youssef lui rendit son siège de Cadi. Néanmoins le ressentiment que conservait AYYAD au gouvernement almoravide lui fit saluer ravinement des Almohades; il se rendit à salé, ou il fut reçu en grande pompe et comble de bienfaits par le sultan Abdel Moumen auquel il jura fidélité. Mais les habitants de Ceuta ne s'étaient pas rallies à la nouvelle dynastie, et Abdel MOUMEN dut envoyer une armée faire le siège de la ville. Les habitants se tournèrent alors vers el - Cadi AYYD pour organiser la résistance, et force fut à celui-ci de jouer un rôle politique. Ceuta ne fut pris qu'après un long siège. Abdel MOUMEN, irrité contre AYYAD, le destitua et plaça la ville sous le commandement de Youssef ben Makhlouf, des Hintata. Mais les armées almohades ayant été vaincues par les Berghouata, Ceuta se révolta et, à l'instigation d'AYYAD, massacra le gouverneur et ses partisans. Afin de trouver un appui contre la vengeance d'Abd el Moumen, AYYAD s'embarqua pour Algesiras et vint offrir le pouvoir à Yahia ben Ali ben Ghania. Celui- ci se contenta d'envoyer à Ceuta comme gouverneur Yahia ben Abou Beker es-sahraoui, qui fit cause commune avec les Berghouata. Abd el Moumen marcha contre eux et les mit en déroute.

El - Cadi AYYD dut prendre le chemin de l'exil. Envoyé au Tadla, il occupa momentanément le poste de cadi auprès des tribus nomades et résida dans la ville de Dai; il termina sa vie mouvementée en Djoumada II ou en Ramadan de l'année 544 (1149). Ses biographes ne sont pas d'accord sur le lieu de sa mort ; d'après les uns, il serait mort dans le Tadla, et ses restes auraient été transportés à Marrakech. Selon d'autres auteurs, el - Cadi AYYD aurait été empoisonné dans un hammam de Marrakech. Quoiqu'il en soit, il fut enterré près de Bab Ailen dans l'intérieur de la ville.

C'est d'ailleurs à sa science théologique beaucoup plus qu'à son ascétisme, parfois mêlé à des ambitions terrestres, que el - Cadi AYYD doit sa célébrité. Son ouvrage universellement connu est la Chifa, recueil de traditions puisées aux meilleures sources et s'appuyant sur les isnad les plus solides. Ce livre est: cité dans tous les traités de jurisprudence et sa vogue a donné lieu au diction « sans AYYAD, on ne parlerait pas du Maghreb; sans la Chifa, on ne connaitrait pas AYYAD» :

"لولا عياض ما ذكر المغرب، لولا الشفا ما ذكر عياض "

 

* Henri de Castries, Les Sept Patrons de Marrakech, editeir AlAbbassiya, Mrrakech, 2004.